Prise en charge des jeunes majeurs - Un département ne peut pas légalement la limiter aux mineurs qu’elle a pris en charge sur un temps déterminé
Prise en charge des jeunes majeurs - Un département ne peut pas légalement la limiter aux mineurs qu’elle a pris en charge sur un temps déterminé
Par un arrêt du 29 mai 2019, le Conseil d’Etat a jugé que si un département dispose d’une marge d’appréciation pour continuer à prendre en charge un jeune majeur, il ne peut en revanche pas prévoir une condition tenant à une durée minimale de prise en charge de ce jeune majeur durant sa minorité.
En l’espèce, le jeune A., mineur isolé étranger placé quelques mois auprès de l’aide sociale à l’enfance du Bas-Rhin avant de devenir majeur, avait demandé au président du conseil général du Bas-Rhin de le prendre en charge en tant que jeune majeur. Toutefois, ce président a rejeté sa demande au motif qu’il n’avait pas été pris en charge pendant plus d’un an. M. A. a alors demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler ce refus et ce tribunal a fait droit à sa requête.
Saisie à son tour, et s’appuyant sur les articles L. 111-1, L. 111-4, L. 121-3, L. 121-4 et L. 223-1 du code de l'action sociale et des familles, la haute assemblée indique « que le président du conseil général dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour accorder ou maintenir, en fonction de critères qu'il lui appartient de déterminer, la prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance d'un jeune majeur de moins de vingt et un ans éprouvant des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants ».
Toutefois, s’appuyant sur les articles L. 111-1, L. 111-4, L. 121-3, L. 121-4 et L. 223-1 du code de l'action sociale et des familles, les juges du Palais-Royal affirme « que le département a l'obligation de verser celles des prestations d'aide sociale que la loi met à sa charge à toute personne en remplissant les conditions légales. Lorsque les conditions d'attribution ou les montants des prestations sont déterminées par les lois et décrets qui les régissent, le règlement départemental d'aide sociale ne peut édicter que des dispositions plus favorables. En l'absence de conditions ou montants précisément fixés par les lois et décrets, si le règlement départemental d'aide sociale peut préciser les critères au vu desquels il doit être procédé à l'évaluation de la situation des demandeurs, il ne peut fixer de condition nouvelle conduisant à écarter par principe du bénéfice des prestations des personnes qui entrent dans le champ des dispositions législatives applicables. Enfin, pour les prestations d'aide sociale qu'il crée de sa propre initiative, le département définit, par le règlement départemental d'aide sociale, les règles selon lesquelles ces prestations sont accordées ».
Or, « si, compte tenu de l'objet de la mesure considérée, l'existence et la durée de sa prise en charge antérieure par le service de l'aide sociale à l'enfance sont au nombre des critères sur lesquels un département peut légalement se fonder pour accorder ou maintenir la prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance d'un jeune majeur de moins de vingt et un ans éprouvant des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants, le président du conseil général ne pouvait légalement refuser cette prise en charge à M. A. au seul motif, et sans procéder à l'évaluation de sa situation, qu'il ne remplissait pas la condition fixée par le règlement d'aide sociale du Bas-Rhin imposant d'avoir bénéficié d'une prise en charge antérieure par le service de l'aide sociale à l'enfance au cours de sa minorité pendant un an au moins ".
Par suite, le tribunal administratif de Strasbourg, qui ne s'est pas mépris sur la portée de la décision du 17 janvier 2014 en relevant que le président du conseil général n'avait pas procédé à l'appréciation particulière de la situation de M. A. mais s'était fondé sur la seule circonstance qu'il n'avait pas été pris en charge pendant au moins un an avant sa majorité, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant cette décision illégale ».
CE 29 mai 2019, Département du Bas-Rhin, n° 417406