Rupture conventionnelle : un paramètre de la procédure jugé inconstitutionnel
Rupture conventionnelle : un paramètre de la procédure jugé inconstitutionnel
La décision est tombée : le 15 octobre, le Conseil constitutionnel à précisé que les syndicats dit "non représentatifs" pourront assister leurs adhérents lors de la procédure de rupture conventionnelle. La loi de transformation de la fonction publique n'avait accordé cette possibilité qu'aux syndicats représentatifs.
Dans une décision du 15 octobre, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le mot « représentative » figurant au dixième alinéa du paragraphe I de l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. D’après cet article, un fonctionnaire et son administration peuvent convenir en commun , sous la forme d’une rupture conventionnelle, des conditions de la cessation définitive des fonctions, qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire. Et durant cette procédure, le fonctionnaire ne peut se faire assister que par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix.
Pour Denis Roynard, président et fondateur du Syndicat des agrégés de l’enseignement supérieur (SAGES), l’un des syndicats requérants, cette procédure constituait une « rupture d’égalité entre syndicats, et de facto, entre fonctionnaires puisque certains pourront être assistés par leur syndicat et d’autres non ».
Une rupture d’égalité injustifiée
Les Sages ont relevé que ces dispositions, effectivement, réservent aux organisations syndicales représentatives la faculté de désigner un conseiller aux fins d’assister le fonctionnaire durant la procédure de rupture conventionnelle : elles établissent donc bien une différence de traitement entre ces organisations et les organisations syndicales non représentatives.
Cet article constitue une garantie accordée au fonctionnaire durant cette procédure, mais « le caractère représentatif ou non d’un syndicat, peut-on lire dans cette décision, ne détermine pas la capacité du conseiller qu’il a désigné à assurer l’assistance du fonctionnaire dans ce cadre. Dès lors, la différence de traitement est sans rapport avec l’objet de la loi. « Il s’agit de la sanction d’un traitement discriminatoire, fondé sur aucun motif d’intérêt général sérieux », se félicite Denis Roynard.
Les Sages ont donc conclu à la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi. Ils rajoutent qu’aucun motif ne justifie de reporter la prise d’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à partir du 15 octobre et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. Les ruptures conventionnelles antérieures à cette date ne sont donc pas remises en cause. Et pour l’avenir, les agents pourront se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale non représentative. Le législateur pourrait réintroduire une différence de traitement entre les syndicats dits représentatifs et non représentatifs, mais le Conseil constitutionnel y a posé une limite : « Il est évident que les syndicats représentatifs, en raison de leur audience et de leur rôle au sein des organismes consultatifs, ne sont pas dans la même situation que les autres syndicats. Des prérogatives particulières peuvent donc leur être réservées, à condition toutefois que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi » (1) [4].
Encore une affaire …
Le SAGES a obtenu une victoire, mais ne compte pas en rester là. Le Conseil d’Etat avait certes transmis [5] leur question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel sur la rupture conventionnelle, mais le syndicat avait également déposé une QPC sur l’assistance syndicale pour les recours administratifs : le Conseil d’Etat a refusé de la transmettre au Conseil constitutionnel, dans une décision du 7 octobre [6]. D’après l’article 14 bis de la loi du 11 janvier 1984 [7], dans sa version issue de l’article 10 de la loi de transformation publique, « les agents peuvent choisir un représentant désigné par l’organisation syndicale représentative de leur choix pour les assister dans l’exercice des recours administratifs contre les décisions individuelles défavorables ». Pour le Conseil d’Etat, ces dispositions n’empêchent pas les agents de se faire assister dans la préparation de ces recours, par le représentant d’un syndicat non représentatif.
Or pour le président du SAGES, ce n’est pas assez : les syndicats dits non représentatifs ont encore davantage vocation à assister l’adhérent dans le cadre d’un conflit, d’un litige, que lors d’une rupture conventionnelle, qui est un mécanisme contractuel. Il n’ y a aucune raison que les autres syndicats ne puissent pas assister les fonctionnaires. Le Conseil constitutionnel parle de compétences : pour Denis Roynard, elles sont là.
« Nous allons demander une modification de la loi sur l’assistance syndicale au recours administratif, car il n’y a pas de raison de laisser subsister cette disposition discriminatoire. Si nous n’obtenons pas gain de cause, nous saisirons la Cour européenne des droits de l’Homme », pour violation, notamment, de l’article 11 (la liberté syndicale) et l’article 14 (interdiction de toute discrimination).
REFERENCES